dimanche 30 juillet 2017

Droit ou politique encore: Que penser de la décision de la Chambre d’Appel de la CPI du 20 juillet 2017 relative à la 12e demande de liberté provisoire du Président Laurent Gbagbo ?


La décision de la Chambre d’Appel de la CPI du 20 juillet 2017 est-elle une décision politique de plus? Telle est la question que je me pose depuis qu’elle a été rendue. Donc naturellement je l’ai écouté à plusieurs reprises pour mieux m’imprégner de sa substance. Mais plus je me livre à cet exercice plus elle me rappelle la décision de la Chambre Préliminaire I de 2013 qui invitait le procureur à rechercher des éléments de preuve suffisamment pertinents pour soutenir ses allégations sans pour autant accorder la liberté au Président Gbagbo. Or, cette décision est des plus incongrues dans la mesure où elle laissait entendre indirectement qu’il n’y avait rien à reprocher au Président Gbagbo mais qu’il devait tout de même rester en détention en attendant que le procureur trouve de quoi à lui reprocher. C’est une décision qui s’est inscrite en faux avec le principe sacro saint du procès pénal selon lequel le doute doit toujours profité à l’accusé et qui a donc inévitablement bafouer les droits élémentaires du Président Gbagbo en tant que prévenu. 
Elle a marqué la procédure dont le Président Laurent Gbagbo est l’objet du sceau de la suspicion et rendue sa détention profondément injuste. 
Raisonnablement, on pouvait espérer que le faut raisonnement qui a été adopté dans cette décision ne soit plus jamais reproduit. Mais hélas, ce sera sans compter avec la décision de la Chambre d’Appel le 20 juillet 2017. Puisque la chambre d’appel y a indiqué qu’à cause des nombreuses erreurs qu’elle contient, la décision attaquée devant elle est renversée. Par contre, elle a décidé de ne pas lui substituer une autre décision et a invité la Chambre de Première Instance à examiner à nouveau la demande de libération provisoire du Président Gbagbo. Tout en précisant que cette invitation à un réexamen ne signifie pas que la chambre de première instance a l’obligation de donner une suite favorable à la demande du Président Gbagbo. Par conséquent, le Président Gbagbo est donc maintenu en détention en attendant un réexamen dont la Chambre d’Appel n’a pas jugé nécessaire de préciser la date ni même la période. 
Or, selon l’article 83 paragraphe 2 du Statut de Rome qui institue la CPI, « Si la Chambre d'appel conclut (…) que la décision ou la condamnation faisant l'objet de l'appel est sérieusement entachée d'une erreur de fait ou de droit, elle peut soit Annuler ou modifier la décision ou la condamnation soit Ordonner un nouveau procès devant une chambre de première instance différente ». En d’autres termes, annuler, modifier ou ordonner un nouveau procès sont trois pouvoir dont dispose la Chambre d’Appel en présence d’une décision qu’elle juge erronée.
C’est donc dire que quant la Chambre d’Appel a annoncé qu’elle a renversé la décision contestée devant elle, il est difficile de la comprendre. Le concept renversé la décision qui a été utilisée par la Chambre d’Appel est inconnu du Statut de Rome. Par conséquent il est impossible de lui attacher des effets dans le cadre d’une procédure devant la CPI. C’est ce que l’examen des trois possibilités que lui offre le Statut de Rome permet de remarquer. 
Par exemple, l’adoption de la première possibilité c’est à dire l’annulation de la décision contestée aurait eu pour conséquence de replacer les parties dans la situation où elles se trouvaient avant la décision annulée. Or, cette situation c’est la détention provisoire qui découle de la décision qui précède celle annulée. C’est à dire la décision qui a refusé pour la dixième fois la liberté provisoire au Président Gbagbo. L’ennui c’est que cette décision tout comme celles qui l’ont précédé ne peuvent plus justifier la détention provisoire du Président Gbagbo dans la mesure où leurs motivations sont les mêmes que ceux de la décision annulée. C’est à dire que si la Chambre d’Appel avait annulé la décision de la Chambre de Première Instance, les motivations des décisions antérieures seraient devenues caduques de facto. Ce manque de base légale des décisions précédentes aurait entrainé la libération du Président Gbagbo sauf si elle lui substituait une autre décision visant à le maintenir en détention. Or dans ce cas on serait dans la deuxième hypothèse prévue par le Statut de Rome. C’est à dire la modification de la décision. 
Dans cette hypothèse, le même article 83 paragraphe 2 in fine prévoit que « lorsque seule la personne condamnée, ou le Procureur en son nom, a interjeté appel de la décision ou de la condamnation, celle-ci ne peut être modifiée à son détriment ». Ce qui veut dire que si la chambre d’appel avait décidé de modifier la décision contestée, elle aurait été obligée de la remplacer par une décision favorable au Président Gbagbo. Mais, quelle décision peut être favorable à un prévenu dont la détention provisoire repose sur des motifs erronés? C’est donc dire que si la Chambre avait décidé de modifier la décision attaquée, elle aurait été obligée d’accorder la liberté provisoire au Président Gbagbo. Mais cette voie n’a pas été retenue. La Chambre d’Appel a préféré  ordonner un réexamen par la chambre préliminaire. Ce qui nous place dans la troisième hypothèse prévue par le Statut de Rome. 
Le problème est que ce réexamen pose la question de la légalité de la détention du Président Gbagbo en attendant que la Chambre de Première Instance statue à nouveau. En effet, comme nous l’avons déjà indiqué, le Président Gbagbo n’a pas encore été déclaré coupable de quoi que ce soit. Il est donc présumé innocent. Or, la place d’un innocent n’est pas en prison mais en liberté à moins qu’une décision le place en détention provisoire. Ce qui a été le cas jusqu’à ce que la chambre d’appel renverse selon ses propres termes la décision qui a refusé la liberté provisoire au Président Gbagbo. Or, les décisions antérieures étant fondées sur les mêmes motifs, elles ne peuvent pas être valables alors que la plus récente est renversée. Ces décisions sont donc devenues caduques et il est par conséquent impossible de se prévaloir d’elles pour justifier la détention provisoire dans laquelle le Président Gbagbo se trouve.
Que signifie alors renverser la décision de la chambre de première instance ? La question est d’autant plus pertinente que le concept ne se rattache à rien dans le Statut de Rome qui est pour la CPI la source principale du droit. En réalité, à travers ce concept vague, la chambre d’appel s’est donnée une quatrième possibilité qui s’apparente à un échappatoire pour éluder les véritables conséquences des erreurs qu’elle a relevé. Or, chaque fois que la CPI sort du cadre juridique, elle oblige à lorgner les vagues politiques sur lesquels elle a l’habitude de surfer dans la procédure contre le Président Gbagbo.
De ce qui précède, nous déduisons que la manifestation de joie observée sur la toile à la suite de cette décision est très précipitées. D’ailleurs c’est ce que semble confirmé la Chambre d’Appel en rappelant que le fait qu’elle ait ordonné un réexamen ne doit pas signifier pour la Chambre de Première Instance qu’elle est obligée de donner une suite favorable à la demande de liberté provisoire du Président Gbagbo. En effet, pourquoi la Chambre d’Appel s’est-elle sentie obligée d’indiquer à la Chambre de Première Instance qu’elle n’est pas obligée d’accorder la liberté provisoire au Président Gbagbo? Le caractère superfétatoire de ce rappel lui a-t-il échappé? A sûrement pas, elle sait très bien que les juges sont indépendants et ne sauraient être liés par une décision quelconque. De plus, les juges de la Chambre de Première Instance savent très bien la marge de manoeuvre qui est la leur en de telles circonstances. Donc là encore seule la Chambre peut comprendre sa décision.
Quoi qu’il en soit, dans la procédure engagée contre le Président Gbagbo, non seulement le bureau du procureur mais aussi les juges peinent à se conformer au droit et la CPI apparait de plus en plus ridicule. Le procès du Président Gbagbo en court depuis un peu plus d’un an est devenu un véritable cirque puisque sur les 132 témoins qu’il a annoncé, le procureur a déjà fait défilé à la barre au moins 57 parmi lesquelles figurent entre autres des politiciens ivoiriens, de hauts gradés de l’armée ivoirienne et des experts sans pouvoir étayer une seule des quatre accusations qu’il a retenu contre le Président Gbagbo. Au mieux les témoins ne se souviennent plus ou le désavouent. Au pire c’est la science qui à travers les expertises réalisées à sa demande déconstruit son plan qui de plus en plus commence à ressembler au plan commun qu’il recherche depuis des années maintenant. Mais au lieu de limiter le tord qu’elle est entrain de causé au prévenu, la CPI s’entête à boire le vin jusqu’à la lie. 
La question est donc de savoir à qui profite cette obstination du procureure et des juges de la CPI à garder le Président Gbagbo en prison envers et contre toute logique juridique? 
Une chose est sure pas à l’idéal d’une justice pénale internationale. Car comme le dirait l’autre  plusieurs coupables peuvent échapper à la justice cela ne lui enlève rien mais si un innocent croupit en prison, cela ruine à jamais son âme. 

Que ceux qui ont des oreilles entendent. 


Par Gnohon B. Christian

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