Le 28 janvier 2016 débutera à la Cour
Pénale Internationale (CPI) le procès du Président GBAGBO et du ministre
Charles Blé GOUDÉ. Un procès dit historique pour divers raisons parmi lesquelles
on ne manquera pas de retenir les fonctions exercées par les prévenus et les
charges qui sont retenues contre eux. En effet, Laurent GBAGBO et Charles Blé
GOUDÉ ont respectivement occupé les fonctions de Président de la République et
de Ministre de la Jeunesse et de l´emploi en Côte d´Ivoire. Selon la CPI, ils
auraient individuellement engagé leur responsabilité pénale pour quatre chefs
de crimes contre l'humanité, perpétrés à Abidjan, conjointement avec les
membres de leur entourage immédiat, et par l'intermédiaire des forces dites pro-Gbagbo,
ou à titre subsidiaire, en ordonnant, en sollicitant ou en encourageant la
commission de ces crimes, ou à titre subsidiaire, en contribuant de toute autre
manière à la commission des crimes suivants: meurtre, viol, autres actes
inhumains ou – à titre subsidiaire – la tentative de meurtre et persécution.
Ces actes auraient été perpétrés entre le 16 et 19 décembre 2010 pendant et
après une marche de partisans d'Alassane Ouattara qui se rendaient au siège de la
Radio-Télévision Ivoirienne (RTI), le 3 mars 2011 lors d'une manifestation de
femmes à Abobo, le 17 mars 2011 par bombardement au mortier d'un secteur
densément peuplé d'Abobo, et le 12 avril 2011 ou vers cette date à Yopougon. Si
en considérant la gravité des charges retenues, les hautes fonctions occupées
par ces deux personnalités au sommet de l´État ivoirien et le désire ardent de
justice du peuple ivoirien on arrive à donner au procès du 28 janvier 2016
devant la Cour de Haye la plus haute importance, la considération de la
juridiction chargée de le conduire et l´évolution de cette affaire permettent de
réduire la considération à y accorder.
D´abord il faut dire que la juridiction qui est chargée de juger cette
affaire ne rassure pas ou du moins son impartialité semble sujette à caution.
En effet, pour rappel, Statut de Rome qui institue la CPI permet par son article
16 au Conseil de Sécurité de l´ONU, qui est un conglomérat d´États dont la France,
d´intervenir dans l´activité judiciaire de la Cour. Cette immixtion peut être de
nature à compromettre l´indépendance de la CPI. Dans le cas de l´affaire qui
nous intéresse, ce pouvoir qu´à ce fameux Conseil de Sécurité de l´ONU sur la
CPI est d´autant plus inquiétant que la crise poste électorale qui est à l´origine
des violations graves des droits de l´homme reprochées au Président GBAGBO et
au ministre Blé GOUDÉ est largement à mettre à l´actif de M. Young JIN-CHOI qui
était le représentant spécial du secrétaire général de l´ONU en Côte d´Ivoire à
l´époque des faits. Ce Monsieur à qui il revenait de certifier le processus
électoral avait outrepassé ses compétences en allant jusqu´à proclamer en lieu
et place du Conseil Constitutionnel le résultat définitif du second tour de
l´élection présidentielle du 30 novembre 2010 en donnant M. OUATTARA Dramane
Alassane vainqueur. Bien que n´ayant pas été suivi par le Conseil
Constitutionnel qui lui a proclamé M. Laurent GBAGBO vainqueur des élections,
le sieur CHOI s´est obstiné dans l´exercice de prérogatives dont il ne
disposait pas. Il bénéficiait en cela du soutien que lui apportait le président
français d´alors, M. Nicolas Sarkozy qui ne manquait aucune occasion de
mépriser le Conseil Constitutionnel Ivoirien en faisant du dégommage du
Président GBAGBO de la présidence de la République de Côte d´Ivoire son cheval
de batail. La conséquence de cet acharnement on la connait. Ce sont les
massacres de plusieurs milliers de civils piégés par les violents affrontements
entre l´armée ivoirienne et la coalition constituée par les soldats de
l´opération des nations unies, les soldats français de l´opération licorne et les
bandes armées qui soutenaient M. Ouattara Dramane Alassane depuis le coup
d´état manqué du 19 septembre 2002. C´est de ces massacres qui auraient donc pu
avoir pour auteurs aussi bien les soldats de l´ONU, les soldats français, les
bandes armée de M. Ouattara ou que l´armée ivoirienne que le Président GBAGBO
et le ministre Blé GOUDÉ doivent répondre devant une CPI engluée dans des
relations claires obscures avec un Conseil de Sécurité de l´ONU dans lequel la
France est membre permanent.
Ces
accointances entre la CPI et des protagonistes de premiers plan de la guerre en
Côte d´Ivoire sont d´autant plus préoccupantes que le procès dans ce contexte
s´apparent plutôt à un règlement de compte des vainqueurs sur les vaincus. Si
non comment la CPI peut-elle prétendre à l´impartialité et à l´indépendance
dans une affaire qui éclabousse ces donneurs d´ordre ? Comment s´assurer que
le droit ne sera pas sacrifié sur l´hôtel des intérêts qui ont conduit l´ONU,
organisation chargée du maintien de la paix dans le monde à entrer en guerre
contre le président GBAGBO dont la victoire a été proclamée conformément à la
Constitution ivoirienne.
Au delà
d´être discrédité par son arrimage à l´ONU, la CPI ne rassure pas dans son mode
de fonctionnement qui la met à la remorque de la volonté des dirigeants
politiques. Il faut rappeler que la CPI en tant que juridiction internationale
siège à la Haye au Pays Bas. Elle ne relève pas d´un ordre juridique étatique
et n´a donc pas de territoire propre. De ce fait, lorsqu´un prévenu sollicite
une liberté provisoire ou conditionnelle, celle ci ne peut être envisageable
que dans la mesure où un État accepte de l´accueillir sur son territoire. La
question est donc de savoir si une juridiction qui est incapable d´accorder une
liberté provisoire ou conditionnelle sans l´aval du politique peut accorder une
liberté définitive sans s´en référer à ce même politique? La question mérite
réflexion dans la mesure où il s´agit d´une pesanteur qui peut influencer gravement
l´issue des affaires qui sont portées devant cette juridiction. Dans le cas qui
nous intéresse il ne s´agit pas de présager de l´issue du procès mais de
seulement faire remarquer que l´éventuel acquittement des prévenus peut donc
être conditionné par l´acceptation de leur retour en Côte d´Ivoire par le
régime actuel. Or, la traque sans relâche des pro-Gbagbo au quotidien par le pouvoir
d´Abidjan ne laisse pas de doute sur l´éventuel refus qu´il pourrait opposer à une
sollicitation allant dans le sens du retour en Côte d´Ivoire du président
GBAGBO et du ministre Blé GOUDÉ.
Pour
ce qui est de l´affaire en elle même, le moins que l´on puisse dire est que la
CPI s´est illustrée par des positions juridiquement critiquables. D´abord,
c´est par un raisonnement très peu juridique que la juridiction de la Haye a
reconnu sa compétence dans cette affaire. En effet, la Côte d´Ivoire, il faut
le souligner avec force n´avait pas ratifié le Statut de Rome qui institue la
CPI au moment de l´extradition du Président GBAGBO. Cette absence de
ratification rendait la CPI incompétente pour le juger. Mais c´est en
s´appuyant sur une lettre du président GBAGBO de 2003 et une autre de M. Ouattara
datée de 2011 et par lesquelles ces deux personnalités acceptent sa compétence que
la CPI s´est saisie du dossier. Au-delà des nombreuses interrogations que cette
curieuse façon de fonder sa compétence dans un État sur un échange de lettre, il
faut dire que ces fameuses lettres d´acceptation de la compétence de la CPI ne peuvent aucunement servir de fondement
juridique à l´extradition de M. GBAGBO ; dans la mesure où les engagements
de ces deux personnalités de premier plan en Côte d´Ivoire ne sont pas au
dessus de la légalité constitutionnelle ivoirienne. Or la Constitution
ivoirienne conditionne l´entrée en vigueur des traités signés par le Président
de la République à une ratification de l´Assemblée Nationale et non sur de
banales lettres d´acceptation de compétence de qui que ce soit d´autre.
Ensuite,
la CPI semble être une juridiction pénale aux méthodes assez curieuses. En
effet, l´orthodoxie du procès pénal commande qu´une procédure soit engagée
contre un individu lorsqu´il existe de sérieuses raisons de le suspecter
d´avoir commis une ou plusieurs infractions. Dans cette logique, il est
important que le procureur dispose d´éléments de preuves suffisants pouvant non
seulement lui permettre de demander la tenue d´un procès mais surtout de
demander que le suspect soit privé de sa liberté afin de le tenir à la disposition
de la justice. Or, dans l´affaire Laurent GBAGBO contre le procureur de la CPI,
il semble que M. GBAGBO ait été placé en détention avant que ne soient
recherchée l´infraction qui pourrait lui être reprochée et les preuves pouvant
établir sa culpabilité. D´ailleurs on se souvient qu´au cours de la première audience
de confirmation des charges, l´un des juges notamment le juge allemand avait
proposé des charges éventuelles vu que celles avancées par le bureau du
procureur étaient difficiles à étayer. De plus à l´issue de cette audience de
confirmation des charges, les juges avaient majoritairement convenu de la
faiblesse des éléments de preuves rapportés par le procureur pour étayer ses
accusations. Sauf que contre toute attente, la Cour a décidé de maintenir M.
GBAGBO dans les liens de la détention. Autrement dit, la Cour n´a rien à
reprocher à M. GBAGBO mais elle le garde en prison, envers et contre tout, en
espérant qu´avec un peu de chance, quelque chose finit par être trouvé. Cette
curieuse méthode qui ressemble à de l´acharnement pose la question de savoir si
une juridiction pénale qui s´obstine à privé de liberté un prévenu contre qui
elle n´a retenu aucune charge pourra veiller à ce que le doute profite à ce
même prévenu? Pas si sur.
Enfin,
la dernière question que l´on pourrait se pose est celle de savoir si le but
réel de la CPI est de rendre justice à l´ensemble des victimes de la crise ?
Cette question mérite d´être posée car les différents mandats d´arrêts qu´elle
a émis à jour permettent d´en douter sérieusement. En effet, au-delà du
Président GBAGBO et du ministre Blé GOUDÉ, seule Simon GBAGBO l´épouse du
président GBAGBO est visée par un mandat d´arrêt. Les auteurs des
barbaries orchestrées dans l´ouest ne font pas encore l´objet d´un début de
poursuite. Il semble inexistant aux yeux du procureur de la CPI alors qu´ils
ont été datés, répertoriés et attribués au camp Ouattara par toutes les
organisations des droits de l´homme en Côte d´Ivoire. De plus la commission
dialogue vérité et réconciliation mise en place par le régime d´Abidjan a
attribué un peu plus du tiers des trois milles morts qu´aurait fais la crise selon
les décomptes des organisations internationales au camp OUATTARA. C´est donc
dire que l´acharnement malheureux de la CPI contre le seul camp GBAGBO révèle
son parti pris et rend fondamentalement injuste son action.
Au
terme de cette réflexion, on peut être d´avis que la crédibilité de la CPI
étant lourdement entamée, s´il n´ya pas quelque chose à attendre de ce procès
sur lequel le politique semble avoir pris le pas sur le juridique, ce serait
que la Cour Pénal Internationale se résolve à passer la main à une juridiction plus
crédible pour dire le droit même si le ciel doit s´écrouler.
Dieu bénisse la Côte d´Ivoire et à l´Afrique.
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