mardi 30 décembre 2014

Élection présidentielle 2015: la question de la candidature de Ouattara

Depuis 1995, en Côte d´Ivoire, l´organisation de l´élection du président de la République rime avec une polémique celle de la recevabilité de la candidature M. Ouattara Dramane Alassane. Pour les militants de son parti le RDR principalement, son éligibilité ne fait l´ombre d´aucun doute. D´ailleurs depuis sa création jusqu´à aujourd´hui, le RDR n´a cessé de l´investir comme candidat pour briguer la magistrature suprême de notre pays. Mais pour d´autres opinions, son éligibilité n´est pas si évidente que cela et qu´il ya de sérieuses raisons d´en douter. C´est dans ce contexte qu´interviennent l´élection de 2000 à laquelle M. Ouattara Dramane Alassane est candidat sans aucune surprise. Pour la première fois et de façon inédite la question de la recevabilité de la candidature de ce Monsieur allait pouvoir être trancher de façon définitive par la cour suprême en sa Chambre constitutionnelle (1). Au terme d´une analyse (2) bien nourrit, la juridiction suprême déclare le candidat Ouattara Dramane Alassane inéligible. C´est le lieu de rappeler un principe de base bien connu de tout juriste : celui de l´impossibilité de recours contre les décisions des juridictions suprêmes (Cours Constitutionnelle, Conseil Constitutionnel, Cour Suprême, Conseil d´Etat, Cour de Cassation…). De ce fait, la question de l´éligibilité de l´éligibilité de Ouattara Dramane Alassane à la présidence de la République de Côte d´Ivoire était sensée être définitivement réglée. Mais fort est de constater et de façon tout à fait prévisible qu´il est à nouveau investi candidat par son parti le RDR pour les élections de 2005 qui finalement se dérouleront en 2010 du fait de la crise militaro-politique à laquelle le pays faisait face et sur laquelle nous ne développerons pas dans cette analyse. A nouveau, la question de son éligibilité se pose et le Conseil Constitutionnel qui entre temps peut fonctionner valide sa candidature (3). Le moins que l´on puisse dire c´est qu´à la différence de la décision de la cour suprême qui était très argumentée et qui avait le mérite de faire comprendre le fondement de l´inéligibilité de Ouattara Dramane Alassane, la décision du Conseil Constitutionnel qui le rend éligible n´est pas assez motivée ou du moins les motifs sont à rechercher ailleurs que dans la décision. Au terme de l´élection, il est déclaré vainqueur par la communauté dite internationale notamment par le Président français de l´époque M. Nicolas Sarkozy alors que le même Conseil Constitutionnel qui a validé sa candidature et qui lui a donc permis d´être candidat a déclaré son adversaire le Président sortant M. Gbagbo Laurent vainqueur. Se fondant sur le soutien de la communauté dite internationale M. Ouattara Dramane Alassane part à la conquête militaire du pouvoir et refuse de se soumettre à la décision du Conseil Constitutionnel qui au terme du code électoral est le seul habilité à proclamer les résultats définitifs de l´élection du président de la République (4). C´est le lieu de rappeler que la Constitution ivoirienne en son article 98 (5) confère force erga omnes aux décisions du Conseil. Au mépris donc de tous les principes sacro-saints de droit, M. Ouattara Dramane Alassane engage le bras de fer avec l´État de Côte d´Ivoire. Soutenu par la France et l´ONU, la guerre qu´il déclare à l´Ètat de Côte d´Ivoire se solde par sa victoire le 11 avril 2011 avec l´arrestation du Président déclaré élu et investi par Conseil Constitutionnel M. Gbagbo Laurent (6). Depuis ce fameux 11 avril 2011 où il a gagné sa guerre contre l´État de Côte d´Ivoire, M. Ouattara Dramane Alassane est chef de l´État mais depuis 2013 il est le premier candidat déclaré (7) à l´élection présidentielle qui aura lieu en octobre 2015. Toutefois, l´éternel débat de son éligibilité se pose à nouveau et l´on retrouve encore deux thèses contradictoires. Pour ses partisans il a toujours été éligible et la question ne se pose pas alors que pour ses adversaires, c´est en vertu d´une décision du président Laurent gbagbo qu´il a pu être candidat à titre exceptionnel et uniquement pour les élections de 2010 ; par conséquent, il ne pourra pas être éligible aux élections présidentielle de 2015 puisse qu´il s´est prévalu d´une autre nationalité (8). Face à cette divergence d´opinion, il nous parait opportun d´expliquer à nos compatriotes que si M. Ouattara Dramane Alassane a pu être candidat à l´élection présidentielle de 2010 ce n´est pas en vertu de la décision du Président Gbagbo Laurent mais en vertu d´une violation de la Constitution par le Conseil Constitutionnel (I). De ce fait, la question relative à la recevabilité de sa candidature à l´élection de 2015 emmène à nous poser la question de savoir qu´est qu´il convient de faire en cas de pareille erreur du Conseil Constitutionnel (II)?

I) La violation de la constitution par le Conseil Constitutionnel

Dans le système juridique d’un État de Droit, la hiérarchie des normes est un principe qui détermine l’importance et la place hiérarchique de l’ensemble des normes qui le gouvernent : Lois, Décrets, Arrêtés, Décisions de justices,…pour en garantir la cohérence juridique et l’impartialité. Ce principe repose sur le principe qu’une norme juridique doit respecter celles qui se trouvent à un niveau supérieur à la sienne. Dans notre système juridique, la hiérarchie des normes est un principe fondamental qui organise et régit notre droit. Ce système est pyramidal et implique trois niveaux juridiques qui sont dans l´ordre hiérarchique le bloc fondamental constitutionnel, le bloc législatif et réglementaire et le bloc des actes conventionnels. Ainsi, une norme inférieure doit absolument être conforme avec la totalité des règles qui lui sont supérieures. Une loi doit être conforme à la Constitution, un décret devra être conforme à une Loi,… C´est à dire qu´un décret ne peut pas être pris en violation de la loi tout comme une loi ne saurait être contraire à la Constitution. Dans un État de droit, lorsqu´une norme d´un niveau inférieur viole une norme qui lui est hiérarchiquement supérieure, dans le cadre d’un contentieux juridique, la hiérarchie des normes permet de faire prévaloir la norme d’un niveau supérieur sur une autre norme qui lui est inférieur. En application donc de la hiérarchie des normes, la décision n° CI-2009-EP/028/19-11/CC/SG du Conseil Constitutionnel, relatif à la publication de la liste des candidats à l’élection présidentielle qui retient un certain nombre de candidatures dont celle notamment de M Ouattara Dramane Alassane pour l´élection du président de la République nous parait être une violation de notre Constitution. En effet, le Conseil Constitutionnel en se fondant sur un décret(9) du Président de la République s´est contenté de rendre systématiquement éligible les candidats parrainés par les partis politiques signataires des accords de Linas Marcoussis (10). En prenant la décision n° 2005-01/PR du 05 mai 2005 relative à la désignation, à titre exceptionnel, des candidats à l’élection présidentielle d’octobre 2005 le Président Gbagbo Laurent visait à ramener la paix en Côte d´Ivoire. Cette décision n´était guidée par aucune mauvaise intention de sa part. Mais mieux il a essayé autant que faire se peut de se conformer à la Constitution dont il est le gardien ce qui justifie qu´il l´ait pris cette décision en se fondant sur l´article 48 (11) de la Constitution qui prête des pouvoirs exceptionnels au Président de la République. Mais c´est le lieu de le signifier que la précaution de la conformité à l´article 48 n´était pas suffisante. En effet, dans le bloc Constitutionnel ivoirien, on retrouve le préambule et le corps de la Constitution. Ces textes fondamentaux n’ont pas de hiérarchie entre eux et se situent au même niveau juridique dans la hiérarchie des normes. C´est à dire que le les dispositions du préambule ont la même valeur que celle du corps de la Constitution mais mieux tous les articles de la Constitution ont la même valeur hiérarchique. De ce fait, un article de la Constitution ne peut pas prévaloir sur un autre article de cette même Constitution donc l´article 48 de la Constitution ne peut servir de prétexte à une violation des autres dispositions de la Constitution. Autrement dit, les pouvoirs exceptionnels que l´article 48 confère au Président doivent s´exercer dans le respect de la Constitution or la Constitution est un tout, un bloc dont les articles se valent entre eux et ont la même valeur juridique dans la hiérarchie des normes. Les actes pris par le Président de la République doivent donc être conforme au bloc de Constitutionnalité et non à certains articles particuliers au détriment des autres. La décision n° 2005-01/PR du 05 mai 2005 relative à la désignation, à titre exceptionnel, des candidats à l’élection présidentielle d’octobre 2005 est contraire à l´article 35 (12) de la Constitution qui prévoit des conditions particulières qui doivent être toutes remplies par tout candidat à l´élection du Président de la République. Le Président de la République est le gardien de la Constitution. Ce qui pose la question de savoir si en tant que gardien de la Constitution, il peut interpréter la Constitution ? Si oui et c´est que nous pensons alors que fait-on si son interprétation de la Constitution est erronée ? En l´espèce son interprétation de l´article 48 et des pouvoirs exceptionnels que cet articles lui confère ne sont pas très juste puisqu´il pense quel´article 48 lui permet de outrepasser d´autres disposition de la Constitution notamment l´art 35. A notre avis, dans un État de droit, un acte illégal est destiné à ne pas produire d´effet donc si la décision du Président de la République viole la Constitution cette décision ne doit pas recevoir application. Cela est d´autant plus vrai que le Président de la République n´est pas au dessus de la Constitution. Il n´en est que le simple gardien donc si son interprétation est fausse, l´acte qui donne corps à cette interprétation ne doit pas être appliqué par le Conseil Constitutionnel. Autrement dit, la décision du Président Gbagbo Laurent malgré la bonté du but qu´elle poursuivait, violait la Constitution et était vouée à être privée d´effet par le Conseil Constitutionnel. De ce fait, en se fondant sur la décision du Président de la République pour rendre éligibles tous les candidats investis par les partis politiques signataires des accords de Linas Marcoussis, le Conseil Constitutionnel a violé la Constitution. Sa décision est une erreur manifeste de droit dans la mesure où un décret ne saurait créer une inconstitutionnalité. Or l´article 35 de la Constitution de la Côte d´ivoire pose un certain nombre de conditions cumulatives à satisfaire afin d´être éligible à la Présidence de la République. Au nombre de ces conditions, il ya celle selon laquelle le candidat doit s´être jamais prévalu d´une autre nationalité, qui disqualifie M. Ouattara Dramane Alassane car il fut à une époque de sa vie citoyen voltaïque puis citoyen burkinabé avant d´être ivoirien comme l´avait démontré la Cour suprême en 2000. La décision du Conseil constitutionnel constitue une violation de la Constitution en ce qu´elle méconnait les dispositions de son article 35. La décision du Président de la République qui visait à créer des candidats exceptionnel en violation de l´article 35 de la Constitution devait être déclarée inconstitutionnelle dans le cadre d´une question préalable (13) et écartée par la Conseil Constitutionnel afin d´examiner rigoureusement et à la lumière de la Constitution les différentes candidatures et invalider celles qui ne remplissent pas les conditions posées à l´article 35. Cela n´a malheureusement pas été fait et certains candidats dont M. Ouattara Dramane Alassane ont été déclarés éligibles. Notre loi fondamentale ayant été mal interprétée par notre dernier rempart c´est à dire Conseil Constitutionnel, la question qui se pose est donc de savoir qu´est ce qu´il conviendrait de faire en pareille circonstance ?

II) Que devons nous faire face à une erreur pareille du Conseil Constitutionnel ?

Il ya des erreurs dont les conséquences sont très lourdes, voir irréparables et qui de ce fait coutent très chères. Il nous semble que celle commise par le Conseil Constitutionnel en validant ipso facto les candidatures qui lui ont été soumises en est une. Nous devons donc intégrer les conséquences de cette erreur comme faisant partie de notre réalité nouvelle afin de pouvoir en tirer le meilleur pour le peuple ivoirien mais surtout pour dépasser cette épreuve en toute intelligence car à vouloir dénier à M. Ouattara cette éligibilité on dessert l´ intérêt supérieur de notre nation pour divers raisons dont deux retiennent notre attention. D´abord sur le plan purement factuel, il faut rappeler qu´étant dans l´opposition déjà M. Ouattara Dramane Alassane menaçait de rendre la Côte d´Ivoire ingouvernable (14) si sa candidature à l´élection du Président de la République n´était pas acceptée. Le 19 septembre 2002, il ya eu en Côte d´Ivoire une tentative de coup d´État qui s´est muée en une rébellion. Au cours de l´une des nombreuses discussions menées entre la branche politique des agresseurs de l´État conduits par M. Soro Kigbafori Guillaume et l´État de Côte d´Ivoire, les agresseurs ont reconnu avoir pris les armes afin que l´élection du Président de la République soit réorganisée et que M. Ouattara Dramane Alassane puisse y prendre part. C´est à dire que peu importent les dispositions constitutionnelles et peu importe que M. Ouattara Dramane Alassane remplisse les conditions ou pas. Autrement c´est la guerre. C´est d´ailleurs ce qui a justifié la décision du président Gbagbo en 2005 après les négociations de Pretoria au cours desquelles il a été retenu que toutes les dispositions soient prises pour permettre à M. Ouattara Dramane Alassane d´être candidat à la future élection présidentielle (15). Sans établir aucun lien quelconque entre cette menace de M. Ouattara et la tentative de coup d´État, nous pouvons tout de même constater que la question de son éligibilité a été au coeur des revendications des agresseurs de l´État. Par ailleurs, en 2011 alors que le Conseil Constitutionnel l´a déclaré perdant à l´élection présidentielle, M. Ouattara Dramane Alassane s´est autoproclamé Président et s´est auto-investi Président en s´organisant une cérémonie d´investiture dont il a informé le Conseil Constitutionnel par courrier avant de déclarer la guerre au Président investi par le Conseil constitutionnel avec le soutien du Président Français de l´époque M. Nicolas Sarkozy. Ayant gagné la guerre, il va faire prononcer une nouvelle décision au Conseil Constitutionnel pour le déclarer vainqueur (16) de l´élections et s´organiser une cérémonie d´investiture en fanfare. Pour résumé, l´État de Côte d´Ivoire a été contraint sous la menace des armes d´accepter la candidature M. Ouattara et par la force des mêmes armes M. Ouattara lui-même s´est accaparer le pouvoir d´État. La question est donc de savoir si étant dans l´opposition, M. Ouattara a pu s´imposer à l´État ivoirien qu´en sera-t-il maintenant qu´il exerce le pouvoir d´État ? Donc d´un point de vu purement factuel, l´État est dans l´impossibilité de faire respecter ses LOIS et les décisions rendues en application de ces LOIS en tout cas en ce qui concerne M. Ouattara Dramane Alassane. Il est donc tout à fait inconséquent de postuler à une inéligibilité de ce Monsieur à l´élection de 2015 en vertu de l´article 35 de la Constitution.
Sur le plan juridique, certains arguments permettent de considérer sous un autre angle la question. En effet, nous avons postulé que la validation de sa candidature en 2009 relève d´une mauvaise interprétation du droit par le Conseil Constitutionnel. A partir de ce moment on peut se demander si les droits que le Conseil Constitutionnel lui a accordés ne sont-ils pas devenus des droits acquis pour lui? Pour notre part, nous estimons que dans un État de droit, le système juridique de protection doit tendre à assurer sans surprise, la bonne exécution des obligations, à exclure ou du moins à réduire l´incertitude dans la réalisation du droit. Autrement dit, l´État de droit doit garantir la sécurité juridique. Or en admettant que le Conseil Constitutionnel revienne à nouveau sur sa décision pour déclarer M. Ouattara Dramane Alassane inéligible, quel serait alors le degré de prévisibilité des décisions de justice ? En d´autres termes qu´elle sécurité juridique inspire une juridiction suprême en l´espèce Conseil Constitutionnel lorsqu´il revient sans cesse sur ses décisions. Quelle serait la crédibilité de notre système juridique si nos magistrats jugent les jours impairs le contraire de ce qui a été jugé les jours pairs ? De plus une décision qui aurait pour effet de rendre M. Ouattara Dramane Alassane à nouveau inéligible lui ferait grief car elle sort de son patrimoine ce droit qui lui a été reconnu d´être candidat à l´élection du Président de la République. C´est le lieu de rappeler que le seul mécanisme prévu par la Constitution est l´exercice de deux mandats présidentiels (17). En notre sens, la seule posture qui mérite d´être adoptée est celle de l´exigence de condition de sécurité pouvant permettre la tenue d´élection libre et transparente et l´exercice de la liberté d´expression afin de permettre à tous les acteurs politiques qui le souhaitent de s´organiser pour affronter et battre M. Ouattara dans les urnes ; seule voie pour mettre fin à l´imposture qui prévaut actuellement dans notre pays et qui n´a que trop durée.


mardi 22 juillet 2014

Election présidentielle 2015: quelle crédibilité pour le Conseil Constitutionnel?

Le Conseil Constitutionnel est une institution bien intégrée au paysage institutionnel de divers États dont notre pays la Côte d´Ivoire. Ses attributions peuvent connaitre de modestes variations d´un État à un autre mais restent substantiellement les mêmes. En Côte d´Ivoire, si l´on écarte le rôle d´organe consultatif qu´il joue dans certaines conditions, les missions du Conseil Constitutionnel peuvent se résumer à deux fonctions principales d´une part la fonction de juge de la constitutionnalité des LOIS que lui confère l´article 88 de la Constitution et d´autre part celle de juge du contentieux électoral en ce qui concerne les élections présidentielles et législatives mais aussi en ce qui concerne la régularité des opérations de Référendum selon l´article 94 de la même Constitution. En tant que juge de la constitutionnalité des LOIS, le conseil vérifie la conformité des LOIS à Constitution soit avant leur entrée en vigueur : c´est le contrôle à priori ; soit après leur entrée en vigueur, dans le cadre d´une question prioritaire de constitutionnalité conformément à l´article 96 de la Constitution: c´est le contrôle à postériori. Toujours dans le cadre de cette même mission de juge de la constitutionnalité des LOIS, le conseil peut être emmené à se prononcer au terme des dispositions de l´article 95 de la Constitution sur la conformité à la Constitution des traités et accords internationaux. Mais en tant que juge électoral, le Conseil peut être saisi en cas des contestations relatives à la régularité du scrutin comme l´a fait le candidat GBAGBO Laurent lors des dernières élections présidentielles ou comme cela a été observé lors des dernières élections législatives dans divers départements. Il incombe aussi au Conseil Constitutionnel en tant que juge électoral de proclamer les résultats définitifs des élections présidentielles après avoir vidé les éventuelles contestations comme cela a été le cas aux dernières élections présidentielles. De ces deux missions, celle de juge des élections est celle dans laquelle l´autorité du Conseil a été fortement mis à mal au point où cette grande Institution a été vidé de toute crédibilité et ses fondements constitutionnels lourdement bafoués. En principe les décisions que rend Conseil Constitutionnel, aussi bien en tant que juge de la constitutionnalité des LOIS que juge électoral, ont autorité absolu de la chose jugée et s´imposent erga omnes. C´est à dire qu´elles ne peuvent faire l´objet d´aucun recours et s´imposent à toutes et à tous au sein de l´État. D´ailleurs deux articles de la Constitution illustrent parfaitement ces principes fondamentaux du fonctionnement du Conseil Constitutionnel. Par exemple selon l´article 98 de la Constitution de la Côte d´Ivoire : «les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d´aucun recours. Elles s´imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale». Malgré cette excellente qualité rédactionnelle qui ne laisse planer l´ombre d´aucun doute sur la portée des décisions de cette grande Institution, l´actuel chef de l´État alors qu´il était opposé au second tour des élections présidentielles de 2010 au chef de l´État sortant s´est engagé et ce avec le soutien de nombreux États dit de droit et membres très influents de la communauté dite internationale dans un tour de force avec le Conseil Constitutionnel pour imposer à cette Institution de le déclarer vainqueur desdites élections au mépris des résultats définitifs qu´elle avait déjà proclamé, qui le donnaient perdant et sur la base desquelles son adversaire déclaré élu avait été investi. Avec la puissance de feu de la France dont le chef de l´État d´alors avait pris la tête de l´opposition au Conseil Constitutionnel de l´État souverain de la Côte d´Ivoire et de l´organisation des nations unies, il parvient à capturer le président de la République reconnu par le Conseil Constitutionnel et à s´imposer comme président aux ivoiriens. Il se fera à son tour investi sous la force des armes par le même Conseil Constitutionnel qui quelques trois mois plutôt avait investi son adversaire. En claire, l´actuel homme fort d´Abidjan c´est opposé par la voie des armes à une décision du Conseil sensée être insusceptible d´aucun recours et a fini par contraindre le Conseil à revenir sur une décision réputée forte de l´autorité de la chose jugée. Par ailleurs, il faut rappeler que l´impartialité du Conseil avait été remise en cause et sa crédibilité à rude épreuve à travers une campagne médiatique qui rappelait les liens étroits entre le président de la République de l´époque et le Président du Conseil Constitutionnel. En effet, il a été d´abord allégué que le Président du Conseil Constitutionnel serait un cousin du Président de la République avant que cela ne soit abandonné au profit d´une thèse plus défendable selon laquelle le président du Conseil Constitutionnel avant sa nomination siégeait à l´Assemblée Nationale en tant que député FPI, parti fondé par le Président de la République ce qui créerait un énorme conflit d´intérêt. Le Président du Conseil Constitutionnel selon cette campagne médiatique était donc juge et partie et la décision rendu par le Conseil et qui proclamait le Président sortant vainqueur était inacceptable. Bref en 2010 le Conseil Constitutionnel a été vilipendé. Son rôle d´arbitre des élections lui a été dénié et la force des armes a primé sur la force de la loi. À un peu plus d´un an des élections présidentiels de 2015, une question mérite réponse. À savoir quel arbitre pour les prochaines élections présidentielles ? Cette question mérite d´être posée car bon nombre de raison militent autant du point de vue de la légalité que de la légitimité à la disqualification du Conseil Constitutionnel pour arbitrer les prochaines consultations électorales. D´abord, la légalité de l´actuel Conseil Constitutionnel est très douteuse. En effet, l´article 90 de la Constitution prévoit la nomination du président du Conseil Constitutionnel par le président de la République pour une durée de six. En revanche, aucun pouvoir de révocation du Président du Conseil Constitutionnel par le Président de la République n´est prévu. La fin des fonctions du Président du Conseil Constitutionnel devra intervenir à la fin de son mandat qui est de six années. D´ailleurs le même article 90 prévoit que ce mandat est non renouvelable. Par ailleurs l´impossibilité pour le Président de la République de révoquer le Président du Conseil Constitutionnel découle aussi de l´esprit de la Constitution qui entend garantir son indépendance au Conseil Constitutionnel. Or après avoir été investi par le Conseil Constitutionnel dans des conditions juridiquement très contestables, l´actuel chef de l´État a mis fin aux fonctions du Président du Conseil Constitutionnel. On se demande bien sur quel fondement légal repose cette décision ? Le Conseil Constitutionnel actuel, version Vangah Wodié semble donc, de ce point de vue illégal. Ensuite pour ce qui est de la légitimité, les mêmes faiblesses qui avaient servies de fondement aux contestations quant à l´impartialité du Conseil Constitutionnel présidé à l´époque par le Professeur Yao Paul N´Dré subsistent dans l´actuel Conseil Constitutionnel présidé par le Professeur Francis Vangah Wodié. En effet, il avait été reproché au Professeur Yao Paul N´Dré d´être un proche du Président de la République à son époque or le Professeur Francis Vangah Wodié est lui aussi un proche de l´actuel Chef de l´État. D´ailleurs, après le premier tour des élections présidentielles de 2010, le Professeur Francis Vangah Wodié a ouvertement soutenu l´actuel Chef de l´État au second tour allant jusqu´à créer une situation confuse à la tête de son parti car après sa débâcle électoral, il avait décidé de quitter la tête de son parti mais quant le partu décide de soutenir l´adversaire de l´actuel Chef de l´État le Professeur Wodié réapparait en violaltion des textes de son parti dans les attributs de président qu´il avait volontairement et engage le bras de fer avec la nouvelle direction pour lui imposer de soutenir l´actuel Chef de l´État. La suite, on la connait, le Professeur Wodié avait arrimé son parti au RHDP dont l´actuel Chef de l´État est un mentor. N´est pas pour cela pour cela qu´il a été récompensé par une nomination à la tête du Conseil Constitutionnel ? Rien n´est moins sur. Enfin, la légitimité d´une Institution se mesure aussi par son encrage dans l´histoire et l´adhésion qu´elle suscite. Or le Conseil Constitutionnel est une Institution relativement jeune et mal connu des ivoiriens. Jusqu´à présent, il n´a abrité qu´une seule élection présidentielle dont le résultat reste à ce jour énigmatique. Dans sa version Vangah Wodié, il n´a arbitré que des élections auxquelles seuls les candidats RHDP ont participé. Mais déjà, les suspicions se font entendre quant à la crédibilité de ce Conseil Constitutionnel peut rassurant dirigé par un proche du Chef de l´État à un moment où la composition de la CEI favorable à l´actuel homme fort d´Abidjan est sujette à critique et la loi remaniant la CEI a été déférée au Conseil. Il faut remarquer que cette saisine du Conseil Constitutionnel est l´œuvre de député RHDP puisque seule cette formation siège à l´Assemblé Nationale. Donc si doutes il ya, ils ne peuvent qu´émaner du RDPH. De plus il faut ajouter à tout cela la méfiance des pro-Gbagbo par rapport à ce Conseil Constitutionnel. En effet l´ex Chef de l´État est d´après la Constitution membre ad vitam aeternam du Conseil Constitutionnel. De ce fait il jouit de l´immunité or il a été déporté à la Haye pour être jugé dans des conditions juridiquement critiquables sans que le Conseil dont il est en principe membre ne s´en inquiète. Quel adhésion peut donc susciter un Conseil Constitutionnel qui ne rassure ni son propre camp ni l´opposition ? On ne le dira jamais assez, le mêmes causes produisent les mêmes. Le Conseil Constitutionnel actuel n´inspire aucune confiance au regard de sa légalité douteuse et de sa légitimité fort contestable. Le laisser arbitrer les élections présidentielles de 2015 ; si élections il y en a; risque de constituer le piège de ce rendez-vous car des doutes subsisteront toujours sur la recevabilité de certaines candidatures et l´irrecevabilité de d´autres mais mieux le vainqueur qu´il désignera sera en quête perpétuelle de légitimité vu que les résultats des élections de 2010 restent inconnus et que c´est par la force et donc illégalement que les dirigeants actuels s´arrogent les prérogatives de puissance publique.

 Bondé Christian GNOHON

Juriste