mardi 22 juillet 2014

Election présidentielle 2015: quelle crédibilité pour le Conseil Constitutionnel?

Le Conseil Constitutionnel est une institution bien intégrée au paysage institutionnel de divers États dont notre pays la Côte d´Ivoire. Ses attributions peuvent connaitre de modestes variations d´un État à un autre mais restent substantiellement les mêmes. En Côte d´Ivoire, si l´on écarte le rôle d´organe consultatif qu´il joue dans certaines conditions, les missions du Conseil Constitutionnel peuvent se résumer à deux fonctions principales d´une part la fonction de juge de la constitutionnalité des LOIS que lui confère l´article 88 de la Constitution et d´autre part celle de juge du contentieux électoral en ce qui concerne les élections présidentielles et législatives mais aussi en ce qui concerne la régularité des opérations de Référendum selon l´article 94 de la même Constitution. En tant que juge de la constitutionnalité des LOIS, le conseil vérifie la conformité des LOIS à Constitution soit avant leur entrée en vigueur : c´est le contrôle à priori ; soit après leur entrée en vigueur, dans le cadre d´une question prioritaire de constitutionnalité conformément à l´article 96 de la Constitution: c´est le contrôle à postériori. Toujours dans le cadre de cette même mission de juge de la constitutionnalité des LOIS, le conseil peut être emmené à se prononcer au terme des dispositions de l´article 95 de la Constitution sur la conformité à la Constitution des traités et accords internationaux. Mais en tant que juge électoral, le Conseil peut être saisi en cas des contestations relatives à la régularité du scrutin comme l´a fait le candidat GBAGBO Laurent lors des dernières élections présidentielles ou comme cela a été observé lors des dernières élections législatives dans divers départements. Il incombe aussi au Conseil Constitutionnel en tant que juge électoral de proclamer les résultats définitifs des élections présidentielles après avoir vidé les éventuelles contestations comme cela a été le cas aux dernières élections présidentielles. De ces deux missions, celle de juge des élections est celle dans laquelle l´autorité du Conseil a été fortement mis à mal au point où cette grande Institution a été vidé de toute crédibilité et ses fondements constitutionnels lourdement bafoués. En principe les décisions que rend Conseil Constitutionnel, aussi bien en tant que juge de la constitutionnalité des LOIS que juge électoral, ont autorité absolu de la chose jugée et s´imposent erga omnes. C´est à dire qu´elles ne peuvent faire l´objet d´aucun recours et s´imposent à toutes et à tous au sein de l´État. D´ailleurs deux articles de la Constitution illustrent parfaitement ces principes fondamentaux du fonctionnement du Conseil Constitutionnel. Par exemple selon l´article 98 de la Constitution de la Côte d´Ivoire : «les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d´aucun recours. Elles s´imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute personne physique ou morale». Malgré cette excellente qualité rédactionnelle qui ne laisse planer l´ombre d´aucun doute sur la portée des décisions de cette grande Institution, l´actuel chef de l´État alors qu´il était opposé au second tour des élections présidentielles de 2010 au chef de l´État sortant s´est engagé et ce avec le soutien de nombreux États dit de droit et membres très influents de la communauté dite internationale dans un tour de force avec le Conseil Constitutionnel pour imposer à cette Institution de le déclarer vainqueur desdites élections au mépris des résultats définitifs qu´elle avait déjà proclamé, qui le donnaient perdant et sur la base desquelles son adversaire déclaré élu avait été investi. Avec la puissance de feu de la France dont le chef de l´État d´alors avait pris la tête de l´opposition au Conseil Constitutionnel de l´État souverain de la Côte d´Ivoire et de l´organisation des nations unies, il parvient à capturer le président de la République reconnu par le Conseil Constitutionnel et à s´imposer comme président aux ivoiriens. Il se fera à son tour investi sous la force des armes par le même Conseil Constitutionnel qui quelques trois mois plutôt avait investi son adversaire. En claire, l´actuel homme fort d´Abidjan c´est opposé par la voie des armes à une décision du Conseil sensée être insusceptible d´aucun recours et a fini par contraindre le Conseil à revenir sur une décision réputée forte de l´autorité de la chose jugée. Par ailleurs, il faut rappeler que l´impartialité du Conseil avait été remise en cause et sa crédibilité à rude épreuve à travers une campagne médiatique qui rappelait les liens étroits entre le président de la République de l´époque et le Président du Conseil Constitutionnel. En effet, il a été d´abord allégué que le Président du Conseil Constitutionnel serait un cousin du Président de la République avant que cela ne soit abandonné au profit d´une thèse plus défendable selon laquelle le président du Conseil Constitutionnel avant sa nomination siégeait à l´Assemblée Nationale en tant que député FPI, parti fondé par le Président de la République ce qui créerait un énorme conflit d´intérêt. Le Président du Conseil Constitutionnel selon cette campagne médiatique était donc juge et partie et la décision rendu par le Conseil et qui proclamait le Président sortant vainqueur était inacceptable. Bref en 2010 le Conseil Constitutionnel a été vilipendé. Son rôle d´arbitre des élections lui a été dénié et la force des armes a primé sur la force de la loi. À un peu plus d´un an des élections présidentiels de 2015, une question mérite réponse. À savoir quel arbitre pour les prochaines élections présidentielles ? Cette question mérite d´être posée car bon nombre de raison militent autant du point de vue de la légalité que de la légitimité à la disqualification du Conseil Constitutionnel pour arbitrer les prochaines consultations électorales. D´abord, la légalité de l´actuel Conseil Constitutionnel est très douteuse. En effet, l´article 90 de la Constitution prévoit la nomination du président du Conseil Constitutionnel par le président de la République pour une durée de six. En revanche, aucun pouvoir de révocation du Président du Conseil Constitutionnel par le Président de la République n´est prévu. La fin des fonctions du Président du Conseil Constitutionnel devra intervenir à la fin de son mandat qui est de six années. D´ailleurs le même article 90 prévoit que ce mandat est non renouvelable. Par ailleurs l´impossibilité pour le Président de la République de révoquer le Président du Conseil Constitutionnel découle aussi de l´esprit de la Constitution qui entend garantir son indépendance au Conseil Constitutionnel. Or après avoir été investi par le Conseil Constitutionnel dans des conditions juridiquement très contestables, l´actuel chef de l´État a mis fin aux fonctions du Président du Conseil Constitutionnel. On se demande bien sur quel fondement légal repose cette décision ? Le Conseil Constitutionnel actuel, version Vangah Wodié semble donc, de ce point de vue illégal. Ensuite pour ce qui est de la légitimité, les mêmes faiblesses qui avaient servies de fondement aux contestations quant à l´impartialité du Conseil Constitutionnel présidé à l´époque par le Professeur Yao Paul N´Dré subsistent dans l´actuel Conseil Constitutionnel présidé par le Professeur Francis Vangah Wodié. En effet, il avait été reproché au Professeur Yao Paul N´Dré d´être un proche du Président de la République à son époque or le Professeur Francis Vangah Wodié est lui aussi un proche de l´actuel Chef de l´État. D´ailleurs, après le premier tour des élections présidentielles de 2010, le Professeur Francis Vangah Wodié a ouvertement soutenu l´actuel Chef de l´État au second tour allant jusqu´à créer une situation confuse à la tête de son parti car après sa débâcle électoral, il avait décidé de quitter la tête de son parti mais quant le partu décide de soutenir l´adversaire de l´actuel Chef de l´État le Professeur Wodié réapparait en violaltion des textes de son parti dans les attributs de président qu´il avait volontairement et engage le bras de fer avec la nouvelle direction pour lui imposer de soutenir l´actuel Chef de l´État. La suite, on la connait, le Professeur Wodié avait arrimé son parti au RHDP dont l´actuel Chef de l´État est un mentor. N´est pas pour cela pour cela qu´il a été récompensé par une nomination à la tête du Conseil Constitutionnel ? Rien n´est moins sur. Enfin, la légitimité d´une Institution se mesure aussi par son encrage dans l´histoire et l´adhésion qu´elle suscite. Or le Conseil Constitutionnel est une Institution relativement jeune et mal connu des ivoiriens. Jusqu´à présent, il n´a abrité qu´une seule élection présidentielle dont le résultat reste à ce jour énigmatique. Dans sa version Vangah Wodié, il n´a arbitré que des élections auxquelles seuls les candidats RHDP ont participé. Mais déjà, les suspicions se font entendre quant à la crédibilité de ce Conseil Constitutionnel peut rassurant dirigé par un proche du Chef de l´État à un moment où la composition de la CEI favorable à l´actuel homme fort d´Abidjan est sujette à critique et la loi remaniant la CEI a été déférée au Conseil. Il faut remarquer que cette saisine du Conseil Constitutionnel est l´œuvre de député RHDP puisque seule cette formation siège à l´Assemblé Nationale. Donc si doutes il ya, ils ne peuvent qu´émaner du RDPH. De plus il faut ajouter à tout cela la méfiance des pro-Gbagbo par rapport à ce Conseil Constitutionnel. En effet l´ex Chef de l´État est d´après la Constitution membre ad vitam aeternam du Conseil Constitutionnel. De ce fait il jouit de l´immunité or il a été déporté à la Haye pour être jugé dans des conditions juridiquement critiquables sans que le Conseil dont il est en principe membre ne s´en inquiète. Quel adhésion peut donc susciter un Conseil Constitutionnel qui ne rassure ni son propre camp ni l´opposition ? On ne le dira jamais assez, le mêmes causes produisent les mêmes. Le Conseil Constitutionnel actuel n´inspire aucune confiance au regard de sa légalité douteuse et de sa légitimité fort contestable. Le laisser arbitrer les élections présidentielles de 2015 ; si élections il y en a; risque de constituer le piège de ce rendez-vous car des doutes subsisteront toujours sur la recevabilité de certaines candidatures et l´irrecevabilité de d´autres mais mieux le vainqueur qu´il désignera sera en quête perpétuelle de légitimité vu que les résultats des élections de 2010 restent inconnus et que c´est par la force et donc illégalement que les dirigeants actuels s´arrogent les prérogatives de puissance publique.

 Bondé Christian GNOHON

Juriste

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